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Le destin d’une théâtreuse qui trouble par son charme ravageur les hautes sphères du pouvoir tout en se vautrant dans la plus infâme prostitution : l’enquête exigeait plus que jamais audace et curiosité. D’autres que Zola l’eussent menée avec un plaisir salace ; certainement pas lui, puritain effrayé par ce qu’il apprit ou découvrit de ses yeux.
Le « roman expérimental », dont Zola élabore la théorie à l’époque où il compose Nana, a pour mission d’examiner afin de les guérir les plaies de notre société. Ce puritain n’était certes pas un saint : il est des plaies qu’on aime à gratter, et contre ce second Empire qu’il haïssait, Zola était animé d’un furieux désir de revanche. De même, quand son roman paraîtra, sera-t-il scandalisé qu’on le juge pornographique ; mais lui-même avait avoué son désir d’« étonner » encore plus ses lecteurs.
À peine ébauchée, Nana prend une dimension « philosophique » indiquée par Zola lui-même sur le manuscrit : « Toute une société se ruant sur le cul. Une meute derrière une chienne, qui n’est pas en chaleur et qui se moque des chiens qui la suivent. Le poème des désirs du mâle, le grand levier qui remue le monde. Il n’y a que le cul et la religion. »
Comme ces monstres antiques dont le domaine redouté était couvert d’ossements, Nana posait les pieds sur des crânes ; et des catastrophes l’entouraient, la flambée furieuse de Vandeuvres, la mélancolie de Foucarmont perdu dans les mers de la Chine, le désastre de Steiner réduit à vivre en honnête homme, l’imbécillité satisfaite de La Faloise, et le tragique effondrement des Muffat, et le blanc cadavre de Georges, veillé par Philippe, sorti la veille de prison. Son œuvre de ruine et de mort était faite, la mouche envolée de l’ordure des faubourgs, apportant le ferment des pourritures sociales, avait empoisonné ces hommes, rien qu’à se poser sur eux.
C’était bien, c’était juste, elle avait vengé son monde, les gueux et les abandonnés. Et tandis que, dans une gloire, son sexe montait et rayonnait sur ses victimes étendues, pareil à un soleil levant qui éclaire un champ de carnage, elle gardait son inconscience de bête superbe, ignorante de sa besogne, bonne fille toujours.
Auteur: Émile Zola
Numerisé par: Ma Bibliothèque_RZ
Format: PDF
Nombre de pages: 528
Le « roman expérimental », dont Zola élabore la théorie à l’époque où il compose Nana, a pour mission d’examiner afin de les guérir les plaies de notre société. Ce puritain n’était certes pas un saint : il est des plaies qu’on aime à gratter, et contre ce second Empire qu’il haïssait, Zola était animé d’un furieux désir de revanche. De même, quand son roman paraîtra, sera-t-il scandalisé qu’on le juge pornographique ; mais lui-même avait avoué son désir d’« étonner » encore plus ses lecteurs.
À peine ébauchée, Nana prend une dimension « philosophique » indiquée par Zola lui-même sur le manuscrit : « Toute une société se ruant sur le cul. Une meute derrière une chienne, qui n’est pas en chaleur et qui se moque des chiens qui la suivent. Le poème des désirs du mâle, le grand levier qui remue le monde. Il n’y a que le cul et la religion. »
Comme ces monstres antiques dont le domaine redouté était couvert d’ossements, Nana posait les pieds sur des crânes ; et des catastrophes l’entouraient, la flambée furieuse de Vandeuvres, la mélancolie de Foucarmont perdu dans les mers de la Chine, le désastre de Steiner réduit à vivre en honnête homme, l’imbécillité satisfaite de La Faloise, et le tragique effondrement des Muffat, et le blanc cadavre de Georges, veillé par Philippe, sorti la veille de prison. Son œuvre de ruine et de mort était faite, la mouche envolée de l’ordure des faubourgs, apportant le ferment des pourritures sociales, avait empoisonné ces hommes, rien qu’à se poser sur eux.
C’était bien, c’était juste, elle avait vengé son monde, les gueux et les abandonnés. Et tandis que, dans une gloire, son sexe montait et rayonnait sur ses victimes étendues, pareil à un soleil levant qui éclaire un champ de carnage, elle gardait son inconscience de bête superbe, ignorante de sa besogne, bonne fille toujours.
Auteur: Émile Zola
Numerisé par: Ma Bibliothèque_RZ
Format: PDF
Nombre de pages: 528